Saint-Quentin : condamné à 5 ans de prison à cause de son ADN
Kabeya Tukumbane a été condamné à cinq ans de détention pour l’agression d’un artisan en 2004. Il a toujours nié mais son ADN a parlé.
Dix ans d’instruction, trois jours de procès et cinq ans de prison prononcés contre Kabeya Tukumbane n’auront pas permis de connaître la vérité sur la sauvage agression dont a été victime un entrepreneur saint-quentinois le 6 juillet 2004. La seule certitude de ce dossier est que l’ADN de l’accusé de 36 ans a été retrouvé sur les lieux du crime.
Le reste n’est qu’hypothèses amenant à l’intime conviction des jurés. L’avocat général préfère parler « d’éléments objectifs » pour démontrer la culpabilité. Olivier Hussenet évoque notamment l’alibi douteux d’un séjour en Allemagne à la même date mais qui n’a jamais pu être prouvé. Et le témoignage de l’ami censé être avec lui pendant ce périple est apparu moins crédible que drôle.
Pour le magistrat, « l’hypothèse la plus vraisemblable est la plus simple ». L’artiste rappeur, à l’époque en perdition, aurait accepté avec deux amis d’effectuer un contrat. « Un travail d’amateur, » selon Olivier Hussenet mais qui a laissé des traces sur la psychologie de la victime. « Il peut paraître solide mais son traumatisme est toujours présent, » a rappelé son avocat Me Philippe Vignon.
Dans son atelier de la rue de la Chaussée-Romaine à Saint-Quentin, ce grand gaillard avait vu débarquer un homme armé accompagné de ses deux complices. « C’était un calibre 6.35. » affirme ce quadragénaire qui, par le passé, a lui aussi connu quelques errances. Dix ans plus tard, il ignore toujours qui pouvait lui en vouloir, mais il est certain qu’il ne s’agit pas d’un règlement de compte lié à ses années passées en prison.
La thèse d’un contrat ne fait pourtant guère de doute. L’homme armé, qui semblait être le meneur du groupe, était en effet très renseigné. « On nous a dit que tu as de l’argent, on sait que tu as un code, on n’est pas là pour rien » avait menacé l’homme encagoulé, avant de frapper l’artisan, aidé par ses deux acolytes.
Laissé pour mort attaché à un arbre
Malgré les coups, il ne donne pas le code d’entrée de chez ses parents. Il est ligoté avec des câbles trouvés sur place avant d’être placé dans la benne de son camion. Le véhicule s’arrête 300 mètres plus loin dans un chemin, près du cimetière de la Tombelle. Une nouvelle salve de coups s’abat sur l’entrepreneur qui est laissé pour mort, attaché à un arbre.
La victime, recevra une lettre anonyme quelques semaines plus tard expliquant avoir été trahi par un proche. Cette piste n’a rien donné. Seul l’ADN de Kabeya Tunkumbane a été retrouvé sur un morceau de gant en latex sur les lieux du crime.
Mais la seule empreinte génétique peut-elle suffire à déclarer un homme coupable ? « Non » s’est emporté Me Louise Tort pour la défense. « Un ADN, ça ne va jamais tout seul. Il n’a pas de lien quelconque avec la victime, il n’y a pas de mobile et ce petit morceau de gant, on ne sait pas d’où il vient. » L’avocate parisienne a déploré que le juge d’instruction s’acharne sur son client après la découverte de l’ADN en 2008. « Il n’a pas trouvé car il cherchait quelque chose d’impossible. » Sa plaidoirie n’a pas permis de changer la donne. L’accusé, arrivé libre, a été conduit en prison. La vérité semble s’être définitivement envolée.
Source : Olivier de Saint Riquier pour l’Aisne Nouvelle