Benay : « Je plaide coupable pour tout »
Mes Vignon et Dubus défendent les intérêts des trois enfants Lespagnol et de leurs parents proches.
Lorsque l’accusé pénètre la salle d’audience, ses enfants paraissent surpris d’y être confrontés sans préavis. Louna, sa benjamine de 17 ans, reçoit comme un coup de poing la vision d’un père qu’elle n’a pas vu depuis deux ans. Émue, elle ne peut retenir ses larmes, rapidement séchées. En chemise à carreau marron, les tempes grisonnantes, l’ancien pompier lui lance un rapide regard baissé, comme à Kenny et Mélia, au premier rang.
À l’interpellation de la présidente Karas, leur père accepte de répondre aux questions qui pourront lui être posées. Debout, les mains jointes à la taille, il parle d’une voix qui semble celle d’un enfant, calme, faible et posée, derrière un visage fermé. La conséquence, sans doute, des anti-dépresseurs et anti-psychotiques pris en prison. Un traitement allégé ces derniers jours. « J’ai demandé à ce qu’on les diminue pour que je sois bien pour aujourd’hui. »
« Je suis écœuré, elle a foutu votre vie en l’air »
« Reconnaissez-vous les faits ? », interroge de but en blanc Sylvie Karas. « Oui. » « Y compris d’avoir agi avec préméditation ? » « Je plaide coupable pour tout. » « Pourquoi avoir fait ça ? », poursuit la présidente d’une voix propice à la confidence. « Je ne voulais pas en arriver là. » « Pourquoi ? », insiste le magistrat. « Elle voulait me quitter. J’aimais trop Bernadette. » L’homme dans le box est loin de son image d’antan, joyeux et jovial en société.
Habituellement rapidement évacuée, la question des conditions d’incarcération de l’accusé entraîne cette fois de vifs échanges entre Mes Delarue et Vignon, l’avocat de l’accusé goûtant peu l’intervention du conseil des enfants Lespagnol. « Dans une lettre à Mélia en février 2016, vous lui écrivez : « Je suis écœuré, elle a foutu votre vie en l’air ». » Me Delarue s’insurge, interpelle. « Il venait d’apprendre par le juge d’instruction qu’elle avait un amant ! »
La présidente Karas reprend la main, s’adressant à José Lespagnol. « Vous ne vouliez pas qu’elle travaille ? » « Je voulais qu’elle s’occupe des enfants au début. » « C’est pas un peu macho, ça ? » « Peut-être… » Le magistrat bifurque vers les problèmes de dos de Bernadette. En 2014, après plusieurs opérations, la jeune quadragénaire marche avec une canne. « Lui avez-vous fait comprendre qu’elle était maintenant une handicapée ? » « Non, pas jusque-là. »
Sur le banc, Kenny bout. N’y tenant plus devant ce qu’il paraît considérer comme des mensonges, il se lève, quitte la salle d’un pas lourd. Ses sœurs craquent aussi, lâchent quelques larmes. Mélia se tape l’arrière du crâne contre le haut de son dossier. Au côté du bâtonnier Vignon, Me Dubus sort pour prendre des nouvelles du garçon. Ils finissent par revenir, avec Mélia, qui les avait rejoints. La meilleure amie de leur mère est alors à la barre.
« Road trip » suicidaire en Alsace une semaine avant
« Je pleure qu’elle ne soit plus là. Il n’acceptait pas qu’elle ait des activités autres qu’avec lui. Elle protégeait ses enfants de son mari, et elle ne me racontait pas tout. » « Avez-vous été témoin de violences ? », s’enquiert la présidente « De violences physiques, non. Des violences verbales, oui. Il la rabaissait tout le temps. Un exemple me vient. Alors en formation, elle avait été certifiée. Le soir, on était tous ensemble, tout le monde l’a félicitée, mais pas lui. »
Au cours de cette journée, les débats ont souvent tourné autour du « road trip » suicidaire de l’accusé en Alsace, le vendredi 6 février. Son objectif, dans une région où le couple avait passé d’heureuses vacances, conduire sur la voie de gauche, percuter un poids lourd. « Il m’a dit qu’il n’avait pas eu les… de le faire », livre son meilleur ami à la barre. « Il n’a pas eu les couilles de se suicider, intervient Me Vignon, il a eu les couilles de donner la mort. »
Source : Vincent Dane pour l’Aisne Nouvelle