CHAUNY Trois ans pour le viol d’une ado
D’apparence banale, le procès de Sébastien Baudemont a conduit à de multiples rebondissements. En musicien virtuose, l’intéressé pratique l’art de la fugue depuis près de cinq ans. Esprit faible, influençable, à l’imagination foisonnante, Sébastien Baudemont aime rêver sa vie et s’en vanter. Lorsqu’elle tourne au cauchemar, il prend la tengeante.
Les faits remontent au 3 avril 2010, il est suspecté ce soir-là d’avoir violé une jeune fille de 16 ans dans le parc des Promenades de Chauny. Le 11 avril 2010, il découvre une part de sa personnalité quand, lors de sa garde à vue, il s’enfuit de la gendarmerie ; il se dérobe devant les enquêteurs et le magistrat instructeur en variant sans cesse de versions ; il louvoie devant la cour d’assises de l’Aisne lors de son premier procès en 2013 et depuis le mercredi 7 janvier devant la même juridiction.
Vendredi 9 janvier, il a finalement pris la poudre d’escampette. Recherché, il a été ramené entre deux gendarmes, samedi vers 11 heures, suite à un mandat d’amener délivré par la présidente de la cour d’assises, laquelle a décidé d’orgaiser une journée d’audience supplémentaire un samedi. La journée d’hier s’est donc poursuivie sur le même thème rocambolesque que les jours précédents, émaillés de péripéties et d’incidents d’audience.
Huit ans requis
La bande-son du téléphone mobile de la partie civile a été auditionnée. Elle traduit l’extrême angoisse d’une jeune femme aux prises avec un agresseur, auquel elle crie : « Arrêtez. Vous me faîtes peur » en montant crescendo dans la gamme. Ses propos, tenus d’une voix de plus en plus aiguë se fondent dans des halètements, des cris de gorge étouffés, des bruits d’étoffe et des sons ambiants qui parasitent l’enregistrement.
Une voix jeune et mâle parle d’un couteau mais il n’est pas formellement possible de l’attribuer à Sébastien Baudemont. La jeune femme a été catégorique. Après avoir entendu neuf voix différentes, elle a tremblé de tous ses membres en reconnaissant la voix de Baudemont qu’elle a désigné comme étant son agresseur. « C’est la réponse du corps », ont conclu ses avocats, Me Philippe Vignon et Me Maxime Gallier.
Enfin, l’audience a véritablement repris à 13 h 30 avec les plaidoiries des avocats de la jeune femme. « Le mensonge est l’arme suprême de celui qui veut dissimuler, tromper, pour éloigner de l’essentiel et Sébastien Baudemont, comme un illusionniste, utilise le mensonge utilitaire » dit Me Gallier. Il cite des certitudes irréfutables comme l’ADN retrouvé sur la victime.
Celle-ci a « les faits gravés dans sa mémoire » selon Me Philippe Vignon, qui pointe les phobies sociales de sa cliente. Elle a déclaré : « Quand je suis dehors, j’ai toujours peur d’être kidnappée. » Elle semble bien seule, petit personnage discret et patient, pendant ces quatre jours difficiles.
Me Vignon poursuit à l’adresse des jurés : « Sa reconstruction passe par la reconnaissance des faits. Ainsi pourra-t-elle se réconcilier avec elle-même. »
L’avocat général, Blandine Leroy, a requis huit ans de prison. «Certes a-t-elle reconnu il y a des manques dans cette affaire mais tout ce qui est présenté, est légal. »
Le défenseur de Sébastien Baudemont, Me Eric Dupond-Moretti constate : « J’ai rarement vu un accusé, mépriser à ce point son propre intérêt. » Point par point, l’avocat démonte les éléments d’une enquête dont il dénonce les failles et les approximations concernant un homme dépassé par les évènements : « C’est un combat de boxe, poids lourd contre poids coq » dit-il, une nouvelle version de la lutte du pot de terre contre le pot de fer.
Sébastien Baudemont a finalement été conduit en prison samedi soir. Il a été condamné à trois ans de prison ferme, ayant effectué seize mois de détention provisoire, il lui en reste vingt à purger. Avec les remises de peine, il pourrait être sorti dans moins de six mois. Il devra alors observer un suivi socio judiciaire pendant cinq ans, comportant une injonction de soins, l’obligation de trouver un travail, celle de ne pas entrer en relation avec la victime et devra lui verser des dommages et intérêts. Il sera inscrit sur le fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
Source : Courrier Picard